Epilogue
18.06.06 // 30.09.07
Sia - Breath me
Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas où je vais, moins encore ce que je dois faire. Je cherche des réponses à des questions que je n'ai pas encore déterminées... Tout ce que je sais, c'est que je suis mort. Et là seule chose qui m'a été confiée, c'est que je le vivais: L'AFTER-LIFE EFFECT...
Bien des heures et des matins. On ne sait plus d'où vient le Nord, on ne sait plus où va le Sud. Les cardinaux se déchaînent, les vents dépérissent, la mer se calme. Les âmes vaguent, les âmes voguent. La mienne s'encadenasse d'épines. Et chacune de ces rustres douleurs s'enfoncent profondément dans une chaire impalpable, illusion d'euphorie, et le sang qui s'écoule, noirâtre venin, reluit des limbes, reluit des cintres.
Et je mourus
Enfin.
A l'ombre d'une seconde.
Et.
Je ne percevais pas mon corps. Rien de mon image. Juste ma poussiéreuse inexistence. Me voilà confondu au vide, à celui qui, d'en haut comme d'en bas, n'est que silencieuse indifférence. Je regardais ce poignard, déjà entaché de pourpres desseins, déjà sublimé de vengeance. Je l'observais, Lui, celui que j'aimais donc. Approchant sa silhouette amincie et inquiète, je décelai au fond de son regard les histoires indélébiles d'un "Nous" qu'il n'osait plus appeler. Et de m'être affranchi de l'Absolu, dans la souffrance de mon insolence, il demeura en mon âme déchue le pouvoir de percer le secret mutisme de son esprit…
Et qu'il fut bon, dans l'égarement de mon choix, qu'il fut bon de savourer ma vie…
J'étais né ici, sur le lopin de lac, entre ses murs brûlés d'hivers. J'avais grandi dans le sourire de celle qui m'avait recueilli, dans l'ignorance de mes racines, dans la pitié qu'exhortaient mes grands yeux bleus. Troubles et imprécises, les images qui dansaient dans son esprit ne lui appartenaient pas. Les couleurs s'évanouissaient et je ne savais comment déceler les graines que j'avais dû y planter des esquisses somptueuses qu'il avait dû y tracer.
Mais en ceci, je reconnu ma placidité, l'effleurement épuré de mes doigts sur la gâchette.
En un cauchemardesque songe, il avait redessiné mon premier crime. Je ne pu voir que mon dos et ma main sur la gorge d'un homme insignifiant. Je ressentis tout le dédain qui émanait de moi et dans mes poignets, mes bras, mes épaules, la force d'accomplir ce que nul autre n'osait. Par soucis d'esthétisme ou par inadvertance, il avait raffiné la scène en assourdissant le tonnerre du coup final, seul et unique, achevant la lourde tâche qu'il m'était dû d'accomplir.
A vrai dire, la scène me fit tressaillir. Depuis le début de cette conscience du trépas, j'avais senti qu'en mes entrailles un karma bouillonnant s'étourdissait. Déjà, j'avais perçu, vu, revécu le moment sordide où, de mon humanité désuète, j'avais ôté vie et lie à l'ombre d'une inconnue. Qu'était donc cette surprenante affliction? D'où venait ce malaise insoutenable?
Le dernier grain du sablier s'effondra.
Ce visage que je voyais, c'était le mien. Ces yeux transparents, cette bouche impassible, ces sourcils crispés, cette main blanche. Tout cela m'avait appartenu, dans l'éphémère et l'immortalité de cet instant. Il ne vivait ni de songe, ni de cauchemar. Que d'un surprenant souvenir, gravé dans ses pupilles. Ephémère. Immortel. Et ce qu'il avait lu dans ces yeux qui se voulaient miens résonnait à présent dans mon néant. Témoin de mon crime, spectateur de ma désinvolture, il était la mémoire de nos chagrins.
Le dernier grain.
Je quittai son cœur pour pénétrer dans le mien où je trouvai ce sentiment inexplicable; inexprimable. Paix à son âme et fer à la mienne. L'homme du souvenir n'était mort que pour Lui. Parce que je voulais que Lui, mon Autre, vive. Parce que je voulais qu'il aime. Et Lui savait. Il savait qu'au dernier grain, le sablier brisé n'aurait laissé en vie qu'un seul de ceux-là. Et il savait. Il savait que sans ma sordide candeur, de celle qui fit couler le sang, il aurait clos les paupières sans m'avoir dit que d'amour, il n'en est pas qu'une seule et vertueuse page aux mots brûlants de passion. Il savait.
Alors que je quittai honteusement le seul souvenir qu'il avait voulu, avec moi, partager, je sentis sur mon imaginaire visage un souffle glacial qui n'émanait que de Lui. Je savais. J'étais l'héritier de la part des anges. Celle qui lègue une étincelle au coin des yeux. L'impalpable, l'indéfinissable, qui s’enfuit silencieusement. Cette part du Lui que je ne vis pas, qu'à peine je sentis, mais sans laquelle rien n'aurait pu être. Sans laquelle rien ne serait. Et qui pourtant s'enfuit mais jamais ne se perdra.
J'avais reçu sa part des anges alors que d'ange, je n'avais ni ailes, ni auréole. Pas même la vertu, pas même la sérénité. Un souvenir comme un souffle perdu; comme une île tourmentée; comme un secret chuchotement qui semble dire: "souviens-toi". Où que je sois, il voulait que je me rappelle de l'avoir aimé. Peu importe les termes, peu importe les mots, peu importe les griffes. Il voulait que je sache pour mieux apprécier. La lame serait froide et acérée. Elle pénétrerait la chaire sans difficulté. La neige sera souillée, recouverte et oubliée.
La part de l'Ange fut mienne. Sans condition. Sans promesse ni allégeance. Comme une volute de chagrin. Comme une effluve rédemptrice.
La part de l'Ange fut mienne.
Et je ne souffris d'aucune aile.
Et d'aucune auréole.
De braises ravivées, il n'y avait que la crépitante indolence que l'Ombre, en son cœur et son sein, venait d'enfanter. Je gardais pour mon croupissement l'élégante ingénuité de ce regard livide. Je l'aimais sans plus pouvoir en souffrir. Je l'aimais d'indubitables transcendances. Je n'étais pas plus fou que je n'étais vivant. La pieuse amertume me poussait vers l'entêtement. Ma défunte posture m'exemptait de ronds de jambes inutiles. Voilà qui fut. Voilà qui sera.
Il me fut facile, une fois mon humanité transie reconquise, de retrouver la scène, la rencontre, sans que le temps, vile et opiniâtre, ne m'en réquisitionne une seule fraction. Elle s'était levée, faible mais déterminée, impatiente et désabusée. L'Autre n'avait pour mot que l'exhortant silence de l'inaccompli. Moi, je me fondais aux éternelles poussières d'ange dans le mutisme de ma curiosité.
La rencontre de deux êtres dont les chemins sont en perpétuelle déroute est un évènement troublant. Me revint comme un coup de sabre cette vision de ma fin: le jour de ma mort, c'était accomplie l'union de nos trois existences. Elle, Lui, moi. Je perpétrais ici un odieux crime: celui de rassembler des âmes enchaînées par un destin déjà trop lourd. Leurs corps ne mentaient d'aucun sourcillement, leurs lèvres ne palpitaient que de légère et sordide frustration. Ils ne parlaient pas. Ne bougeaient pas. Respiraient-ils?
Une rencontre. Une vengeance. Unique graal. Chacun, dans un sursaut de reconnaissance, semblait me devoir une vie. Chacun, en son for intérieur, portait l'ecchymose de mon acte, celui d'avoir lâché mon dernier souffle. Fallait-il donc être mort pour de la sorte s'en affranchir? Fallait-il que ce soit de vengeance qu'ils en soient quittes? Ce diptyque présentait un étroit paradoxe dans son image: la rencontre n'existait que par moi. Moi qui n'était plus.
Il me vint l'envie de fuir, de laisser leur fragile dépit, de figer le temps comme, déjà, j'avais pu le faire. Il me vint l'envie de retourner parmi les quidams qui m'apprenaient les subtilités de l'existence. J'aurais pu voguer, loin, longtemps. J'aurais pu, dû, me désintéresser de ceux-là. C'était trop long, trop éprouvant. Les réponses tardaient. L'épuisante quête que je poursuivais sans relâche ne m'apportait que l'évidence: la vie d'en haut, d'en bas, ne me regarde pas.
Elle prononça: "Demain, il viendra ici. Il pensera m'y trouver. Il ne trouvera que toi. Tu sauras quoi faire. Tu sauras comment le faire. Le jour suivant, nous tournerons une page." Sa froideur me pétrifia. Leurs sensations, leurs émotions mortes, leurs peurs et leurs désirs ardents, tous se mêlaient. Après qu'il eut craché:"Nous la brûlerons, cette page!", je sentis la rencontre toucher à sa fin. L'Ombre fit claquer ses talons sur le parquet; l'Autre grimaça: ses tympans s'en accommodaient difficilement. Je le vis emboîter le pas, faire à son tour claquer le bois. Ses mots, lancés comme une confidence trop longtemps muette, ne la fâchèrent point: "Il est mort pour moi! POUR MOI!".
Noir.
Je mourrais. Pour la seconde fois, je mourrais. Un regard de feu avait, dans mon coeur, plongé sa divine punition. Des larmes indécentes s'écoulaient sur mes joues. L'infâme calamité! L'immonde supplice! Le voilà donc celui que j'attendais depuis ma première impertinence. Quelle barrière que je n'avais point encore franchie venais-je de briser? Quel blasphème me valait une seconde mort, tout en fureur et douleur?
Mais le bourreau fut foudroyé de surprise. Je me refusai à sa lame. Ce châtiment, il fallait l'accepter. Et ça, je n'étais pas sans le savoir. La douleur, en général, était suffisante pour céder, tomber, s'agenouiller. La pénitence me répugnait. Mon humaine fierté fut la plus forte. Je m'accrochai au vide. Au savoir. A la passion. Je ne mourrais pas. Je souffrais dans l'abomination d'un cri démoniaque. Je ne cédai pas. Je ne tombai pas. Je ne mis jamais le genou à terre.
Noir.
On me relâcha. Parmi eux. Parmi ceux-là dont je n'étais plus. On me relâcha, mais dans l'ombre de mon inexistence. Ma pénombre déchue, mon isolement cadenassé. Impossible de retourner là-bas. Chez moi. Dans le noir qui me sert de caveau. Impossible. Plus rien ne me tirait vers les ténèbres; plus rien ne m'empêchait de savoir; plus rien. Rien.
C'est alors que mon Ombre, mon Ophélia, le toisa de déconvenue. Elle baissa la tête et leva les yeux, arborant un sourire résigné. Mon coeur pu tranquillement s'emporter lorsqu'elle répondit à l'Autre: "Bien évidemment. Il n'est mort que pour toi…puisqu'il n'y a que toi qu'il aimait".
Je l'aimais. Lui. Sans plus pouvoir en souffrir. Je l'aimais. Lui. D'indubitables transcendances. Je n'étais pas plus fou que je n'étais vivant.
La rencontre s'acheva dans l'angoisse de mon bannissement. J'étais exposé à la vérité, nue et tranchante. Mon havre de mutisme, d'émotionnelle froideur, celui-là tombait en cendre. Je n'avais plus nulle part où me cacher.
"Tu as tant et tant voulu savoir Elmerick. Alors sache. Et souffre."
L’aube a perdu sa transparence.
Que suis-je donc devenu ? Quel contrat enflammé aurais-je, contre ma volonté, cosigné de mes lettres de mots blessés ? La voilà, cette attendue punition. Tombé, le couperet de l’impudent châtiment. La folie s’y méprendrait : suis-je la victime du l’absolue fatalité…ou de la fatalité de l’Absolu ? Me voilà croupissant dans le néant, celui-là qui n’est que pour les âmes décharnées de leurs lestes carcasses, de leurs prestes constats. L’humain, ici, se doit de souffrir sont inconstances et ses périples soupirés. L’Humain, ici, n’a de repos que dans l’ombre de son mutisme. L’Humain, ici, n’est pas.
Je jubilais de me savoir Homme si valeureux dans ses choix. Je souffrais de ces envies de plus et plus, et plus encore connaître la destinée brisée qui, jusqu’ici, m’avait porté en croix. Mon doigt sur le miroir se déposa. Et de traverser les frontières, la honte s’oblitéra. Pruderie mise en bulle, ne restait que les envies instinctives : le cœur battant, jusqu’à la dernière battue. Soit-il ainsi.
Mon Autre vivotait à l’Ouest, dans les nations des éminents patriarches, des décevants maestro. Il avait couru les pluies et chassé les tonnerres. Je ne l’avais quitté que par dépit, celui de ne point le soulager de l’effritement, celui de tarir son sein des obligeances de sa vie. Mais aujourd’hui, le dépit s’en est brûlé les ailes et les vies transies ne me suffisent plus. En ce jour inconsidéré, innommé et nébuleux, je ne désirais que lui.
Le sentier qu’il emprunta, embourbé d’une neige astringente, ne fut pas sans émoustiller quelques souvenirs aux semblants effacés. Il me sembla, un court instant, que les marques de ses pas se dessinèrent avant même qu’il n’y ait posé le pied. Et que ces creux forgés, à peine engloutis, se dissipaient d’une affolante légèreté. La paix de son regard aurait gelé les océans. Elle paralysa mes blessures mortes, mes entailles vaines. La forêt hâta mes transcendances. Les branches écartelées me susurrèrent bientôt d’étranges litanies, d’exotiques suppliques. Non loin, des murs accolés, bien plus par le gel que par le béton suranné.
‘Chez lui’, pensa-t-il. Lui, c’est moi.
Une ruine affrétée sur un lopin de lac, quelques pierres entassées autour d’une gemme invisible. Son humeur était de bile et sa couleur d’un noirâtre spleen. Les auréoles bleutées émergeant des chantignoles présageaient l’amertume d’un foyer faiblissant. L’Autre, en cette vision, n’y voyait que mes élégants fragments. J’y pénétrai sans bruit, ni mien, ni sien, comme on pénètre un sanctuaire pour une fois ultime, une fois première. Et dans le silence qui s’en suivit, je crus mourir une autre fois de devoir, d’une seconde à la suivante, m’arracher de violence à cet air si familier.
Il avait le geste lent et moi le souffle court, harmonisant d’autant l’insondable indiscrétion. Lui chez moi, moi en lui. Un affront désavoué nous figea le temps. Et sans qu’en son corps, je n’arrache les fragiles secrets, en mon temple, j’y retrouvai les miens. Envers et contre Dieu, je m’étais fait vengeance et de mon vivant, si je puis ainsi le déclamer, j’avais opté pour la prétention la plus infinie. Mon calibre lustré ne se défaisait de ses cendrées de lune que pour obtenir réparation et dédommagement consentis. Il n’eût fallu qu’un instant de plus pour qu’en mémoire, vierge et sauvage mémoire, chaque regard que je clos me revint, brillant de salut et de solennité. Mais cet instant s’éloigna, tel un éclair claquant que l’on n’aurait saisi qu’à son tarissement…
Lui. Elle. Eux.
Le temps avait, cette fois, abrogé mes ordonnances impérieuses. L’Autre avait marqué les marches boisées de traces humides et scintillantes, vaporeuses et délébiles. Parvenu aux confins de mon intimité, la chambre pénétrée, il la toisa sans sourciller. Galbée dans un fauteuil putride, le regard à l’élégance de ces traits blêmes, elle posa sur son cœur une main rigide et fracturée de veinules bleutées. Ecartant les lèvres, elle brisa l’horizon :
- Le foyer se mourrait. J’ai ravivé ses braises.
Immobile, nous sommes restés, lui et moi, dans le doute de cette inconvenante réalité. Il n’eût que le temps de fermer les yeux pour prononcer : ‘bientôt’ et moi, d’ouvrir les miens pour enrager : ‘Tout de suite !’. Les règles s’en furent, ma patience suivit.
L’Aube avait perdu sa transparence. Le Crépuscule aussi.
Ce qui m’enivra, et m’assomma d’autant, c’est la tangible frivolité de l’acte. Les primitives pensées de mon arrivée ici me rattrapaient. J’étais mauvais, ou tout du moins, je portais en moi le côté sombre de l’inavoué. Et durant mon exploration philologique, la présence indéniable de ces ténébreuses vérités avait faillit m’échapper. On n’échappe pas à son passé, même dans la mort acquise…
Qu’il est bon et délectable, fastueux et transcendant, de s’approprier la pépite par delà la gangue. La toute puissance me montait à la tête, j’en fus bientôt convaincu. Mais l’orgueil pouvait-il s’amarrer sans affliction aucune ? M’était-il compté les heures aveugles de mon hégémonie égotique ? Mes illusions profanes se targueraient-elles d’un sordide avortement ? Je n’en sus rien. Après tout, si telle fut ma nouvelle patrie que je pus, en mes mémoires et volontés, en disposer de plein fouet, que me restait-il à craindre ?
L’Homme, puissant instigateur du « si » originel, exalté de l’inconditionnel passé, nourrit le rêve souvent imprononçable de voir les limites de son horizon disparaître. Il part, il fuit, il s’indigne, souvent. Il emprunte des chemins inconnus et s’affranchit de ses peurs pour en rencontrer de nouvelles. Il abreuve son ego de postulats indémontrables, dédaigneux du regret, de la crainte, des peccadilles de son maussade quotidien. Son espérance est belle de naïveté ! Et jamais je n’aurais pu en clamer autant si, d’ici, je n’avais observé telle impertinence.
Depuis mes cendres de naissance, j’avais dû rassembler la panacée des sensations humaines, ersatz indésirables de mon éternelle condition. J’en dressai la liste, comme pour mieux savourer l’étendue du blasphème. En qualité de déshumanisé, je m’étais épris d’une violente nostalgie. Et dans mon innocence, presque aussi attendrissante que celle des vivants, j’y voyais l’opportunité de me faire ce martyr des ondes macabres et d’un jour, peut-être, savourer une renaissance que j’aurais assidûment désirée. Mais voilà qu’à l’instant, le goût de sang me revint. Et voilà qu’en ce moment, je n’y vis qu’un tableau de maître, un péché véniel, une ambroisie défendue que l’humain que je fus offrit à son âme.
Admettons-le ! Si de là, mes grisantes capacités sont d’incompréhensibles libertés, d’ici, la vision éclairée d’un recul imposé m’en fit porter un jugement plus habile. Quoi de plus capiteux que le dépouillement d’une vie ? Quoi de plus approprié pour fustiger les maudites limites ? On y posa péremptoires apophtegmes : si d’une vie, au moins, je m’étais défait, ce ne fut que pour accomplir béatement mes instincts de grandeur. Au fond, j’étais plutôt fier de moi. Qu’ici, je ne ressente de culpabilité d’aucune sorte, rien ne m’en étonna. Mais qu’à la suite d’une glaciale percussion, mon corps d’antan n’ait frémi que d’un contentement épuré, là était la véritable preuve d’une nature inconditionnelle.
La foi était grande. Je n’avais pas assisté à mon enterrement, bien mal m’en pris, mais la certitude m’était acquise. Il ne demeurait plus une seule faute dont je ne fus absous. Bien que je ne fus point enclin à recevoir l’extrême onction en des temps adéquats, qui que ce fut, glissé dans sa pourpre tunique, me légua le pardon absolu, sans condition aucune. Parvenu en l’After-Life pur et sanctifié, la liberté fut mienne de recomposer avec mon karma et d’iriser mes sordides pensées.
Que me prit-il ? Une soif de connaître mes droits, faisant fi de quelconques devoirs. J’étais plus humain que jamais. Preuve en est que je refusai d’admettre cette élégante calamité. Il me fallait déterminer si l’Absolu lui-même n’était qu’un livre refermé sur les liturgies emblématiques du révolu.
Je le choisis au hasard. Il se pressait vers une destination que je préférai ignorer. Je sus son nom, son âge, sa vie. Une seconde, encore, m’avait suffit. Je m’en épris. Le moment approchait, je m’en savais maître absolu. Absolu ? Il pensa acheter des cigarettes et s’approcha du bar-tabac. Son tympan ne palpita que d’un dernier mot.
Je prononçai distinctement : « Meurs ».
Et devant le Monde, autant que devant moi, il s’écroula sur le sol. Mort.
Il en fut comme je l’avais voulu.
Et plus jamais je ne recommençai.
Jamais plus.
Elle me fit apatride, exilé, père du vide. Coriace et vengeresse, elle s’abattit sur moi, sordide réalité, paralysante calamité. Tu te fis mienne, satanée guenille. Porte ton nom et tes blessures assassines loin de mon désert. Repose-toi sur d’autres tombeaux, lâche ta putride vindicte et défais-toi de mes oripeaux d’être déchu. Je ne veux pas de toi. Tes lettres sur ma langue sont autant d’épines qui froissent et meurtrissent. Toi, l’Incertitude…
Je suis né d’un rêve qui ne fut pas mien. Ecorché de douloureuses esquilles, je m’accable de mon ivresse éclatante. Celle d’avoir rompu le pacte Absolu et de renouer avec cette interdite nature humaine. Immortelle mémoire, ma foi semble renaître de cendres jamais consumées. Mon être s’ébranle du souvenir et souffre sa peine dans le silence de mes entrailles. Amen.
Le souvenir est une jouissance innommable. Lorsque, reclus dans l’infini du doute et du questionnement, les images impétueuses refont surface et s’indignent de plus belle en trombes acides, les tourments s’en nourrissent et s’en apaisent quelque peu. Je n’étais plus mort, mais prisonnier. Hélas ! La pensée m’accapara d’un bout à l’autre de mon silence et m’encercla de sa pesante agonie. J’étais un martyr post-mortem, une victime de l’au-delà, un vaillant persécuté. J’accordai à mon oppression le respect le plus impeccable : la mort est plus facile à vivre lorsqu’on s’en fait la malheureuse proie.
Je suis né d’un rêve qui ne fut pas mien ! Preuve en est qu’en ces inextricables méandres, l’Absolu se fit incompétent ou tortionnaire. Que l’Homme dans sa petitesse soit soumis à l’incertitude m’apparut comme implacable logique. Après tout, c’est dans les choix et le renoncement que celui-là qu’on appelle humain trouve ses forces et ses faiblesses, ses joies et ses regrets. L’incertitude, là-bas, est une épreuve quotidienne tissée des fils dorés de l’inattendu. Que soit ! Mais j’estimai soudain que mon dû n’eut pu qu’être versé avec ma vie écoulée, sacrifiée et saccagée. J’étais ferme en mon invective : ma vie avait transpiré de suffisamment d’incertitude pour qu’ici, encore, j’en sois foudroyé. Me vint à l’esprit que cette vie-là dont je clamais si fort la grâce, je n’en avais que quelques images clairsemées.
Puisqu’il en fut ainsi, rebelle en ma mort et conscience, je parti à la conquête d’un autre rêve, d’un autre souvenir, d’une vitre brisée, d’une main enlacée, d’un éclat de rire, de pleurs en éclat. Fallait-il me concentrer ? Fallait-il le décider ? Ou encore retrouver mon Autre ? Mon Ombre ? Les implorer encore et murmurer en leurs esprits la détresse de mes heures de bannis ? Je m’accrochai à mes souvenirs retrouvés, à cette image de ma mort, à cet Autre et à ces pensées, à mon tombeau, à sa visite, à ma rencontre avec elle au jardin des miroirs, à ces pas langoureux qui se perdaient jadis…je me souvenais ! Oui . Je posais l’acte commun sans aucun soupçon de culpabilité. Je me souvenais sans en craindre les châtiments, les douleurs qu’ici, toujours, l’on ressentait. Je me souvenais pour mieux me souvenir. Plus, et plus encore.
C’est là que tout bascula.
Je vis un regard, profond et terrifié, rempli de larmes noires, de la colère d’un dieu déchu. Je vis la chevelure défaite, le rouge qui empourprait les lèvres. Je sentis les ongles pénétrer ma chaire et meurtrir mon torse. J’entendis susurrer quelque auspice de malédiction. Ma main droite serrait un revolver. Sa froideur m’avait engourdi les phalanges. Elle accepta sa destinée. Moi la mienne. Le canon sur sa tempe, je pressai la détente sans commune indifférence. Le sang s’étala sur un tapis chamarré, bientôt rejoint par le corps sans vie. Je ressenti une infime satisfaction. Une tâche accomplie. Plus rien.
Quand je rouvris mes imaginaires paupières, l’incertitude m’avait fuit. Je l’avais confondue par une victoire passée, une victoire sur elle et sa condescendance. Elle savait que cette nuit-là, elle n’eut aucune emprise sur moi. Je venais de briser l’oubli, son seul salut. Je n’avais plus pour moi que le silence du sang qui avait été versé. Et de ma main, et par ma main.
Je suis né d’un rêve qui ne fut pas mien.
Je ne pus que mourir dans la quiétude d’avoir rendu ce qui ne m’appartenait pas.
Et plus jamais, ne fut mienne, l’Incertitude meurtrière.
Jamais plus.
1…voluptueuse, légère et satinée. Des corps en ascension, imperturbable posture, marbre brûlant des cœurs battants. Chamade introductive, regards séparés, brisés. Le temps respire de nos souffles, et avec lui, enlacés d’un doucereux tempo, nos peaux qui se frôlent. 2…les mains qui se nouent, s’étirent, s’accrochent. Entre nos doigts brûlants d’une sueur naissante, l’air avide de sombrer dans notre union. Ma main se dépose sur un dos nu, ferme et caressante, ténue de sa fragile candeur. 3…je sens en ma poitrine la sienne s’investir, les épaules inspirées de la force divine se narguent de raideur. Les jambes s’unissent dans un premier battement, les pas élancés caressent alors le sol comme tant de velours écarlate. Frémissant d’impudeur, emportés de folie dans ce rythme romantico-sensuel, je ressens tes sourires plus encore que je ne les aperçois…
1…engagés dans notre superbe, flânant sur la soie de milles regards. Les épaules se rapprochent pour mieux, ensuite, se quitter. L’estafilade de nos talons sur le bois craquelant n’est que magique plainte. Au loin, des mains qui s’agitent, des mots insistants, des maux évanouis. 2…te rapprochant plus encore, si tant est que ce fut possible, je sens ton dos s’effacer dans mes bras. Cambrée de cette beauté qui t’enchante, tu m’enivres, une seconde, un instant, d’un regard perdu que nous n’avons pas le droit d’échanger. 3…agités de nos prouesses, l’élan, de plus belle, nous porte vers le silence et l’inconvenue. Plus que nous. Rien que nous. Nous.
1…rescapé de nos folles amours, assommés de nos illusions. Les cris estompés, les présences affables au néant. Seuls. Nos âmes amies retrouvées, étreintes des notes alanguies que nous pourchassons sans nous lasser. 2…nos bras se croisent, se rencontrent, nos mains se quittent pour se retrouver ensuite, plus prenantes, plus ambitieuses d’emprisonnement, plus écarlates de jalousie. Abreuvée de ma dictature immémoriale, tu réinventes la cadence et redessine l’allure. Nos volontés se déchirent. Nos pas s’accomplissent en combat de l’insensé, s’éraflant de coude, s’affolant de rigueur. 3…Lutte. Têtes détournées, bras crispés. Tu l’accepteras. Je le sais. Mais tu ne veux de moi que le doute. L’insondable et dirigiste doute. Tu m’accepteras, je le sais. Mais tu veux que je me souvienne qu’en ce gouffre tortueux, l’impressionniste tableau n’a de valeur qu’à deux.
1…les cimes nous sont chères, la voltige heureuse. Le souffle haletant, nos mains s’égarent, une fois encore, et d’une ivresse de derviche, nous dégustons les secondes, guerrières inassouvies de vengeance. 2…tu t’abandonnes à mes bras, encore puissants de désir. Je sens ton corps se donner, tes épaules se relâcher. Les battements partagés s’enfilent en doubles-croches et d’une dernière coulisse, me troublent de souvenir à tracer. Figeant l’instant, immortelle hérésie, tu laisses en mon côté se glisser ton bras, comme pour mieux, dans ta déréliction, pouvoir une fois encore me posséder. 3…mes muscles se raidissent, ma dernière respiration vient périr sur ton échine. Les paupières closes, tu respires mon parfum autant que moi le tien. Nos corps s’assombrissent d’immobilité. Tu m’offres le noir de tes yeux, moi la tendresse de mes lèvres. Et je m’exile dans tes contrées, en ton plaisir accompli. Toi. Voluptueuse, légère et satinée.
En ce jour fertile et délivrant, voici qu’en moi le premier souvenir animé s’est fait vivant, blessant, agonisant. Voici qu’en moi, toi, l’Ombre de mes inquiétudes, tu y déposes les frêles espérances de tes tragiques eucharisties. Voici qu’en ta bouche, j’entends mon nom qui hurle de détresse. Voici qu’en mon rêve, qu’en mes pas illégaux vers ta réalité, je fus balafré de ton ressenti.
Voici qu’en un soir dont le temps se souvient, nous avons dansé la valse en un soupir. Et d’un soupir, la valse se dansa…
Quelle douloureuse amertume que celle du réveil dans l’inachevé. Si les Hommes apprennent assez tôt l’art du songe, l’inexistence spectrale que je suis l’aura bien rapidement déniée.
Si cette ivresse de rêverie reflète, à ses heures, le soulagement de cauchemardesques aventures, mon euphorie impitoyablement écimée me fâchait de désir. Puisque les interdits ne m’effrayaient que peu, la volonté de ressentir à nouveau cette tumulte résonnait en moi comme un chant tendre et triste, forgeant chacune des larmes que je ne pouvais verser ; éclatant chacune de celles qui se mourraient pour moi. Je ne le savais pas encore mais au creux de ce feu naissant, régnait l’inconsciente envie de frôler de nouveau cette aubaine que l’on appelle
Et comme si l’aquilon, déterminé, eut voulu balayer les éclats d’humeur noire, mes visions furent emportées vers un brasier naissant, en quelques ruines embrumées dont j’étais persuadé d’avoir su le nom. L’Autre y délestait un souffle, une exsangue complainte mêlée de peur et de folie, soupirant l’exténuation d’une fuite infrangible. Ses lèvres remuaient dans le silence d’un crépuscule flamboyant, imitant la céleste oraison des flammèches attisées. La scène me sembla belle. Juste belle. Aphasie solitaire. Pourpre déception. Et je compris…
Je compris à cet instant que la liberté que l’on prétendait me concéder n’était qu’un mirage ludique. Au bout du voyage, l’allégeance à l’infinie sagesse d’un Nirvana insipide, un état de conscience qui se suffirait à lui-même, animé d’une existence imprenable, indescriptible...Que diable ! On me baladait de doutes et d’interrogations, de latitudes inexplorées, de souvenirs morcelés. Et qu’en était ce dessein ? M’amener à l’ennui des vagues, des vagues à l’âme, des âmes englouties, des mémoires brisées.
Bien loin de me faire dévot d’un dogme aussi singulier, je décidai, une fois encore, d’agir en état de conséquences. J’étais face à cet Autre, à ce paysage qui s’endormait sur des collines émeraudes, à ces pierres écorchées par le temps. J’étais face à de nouveaux doutes. Et pour seule raison, me conférer l’oubli d’un grotesque accident que je venais de vivre. Insupporté par cette idée que l’After-Life Effect, en son imprenable absolu, voulait me défaire de mes restes de vie, je franchis la frontière que l’on m’ordonna de craindre. Le battement qui, plus tôt, s’était épris de feu mon cœur, finit sa course impétueuse dans l’esprit de l’Autre ; celui-là qui entendit ma voix lui demander pourquoi ; celui-là qui compris à l’instant que sa vengeance me serait rapportée ; celui-là qui ferma les yeux sur une douceur qu’il n’avait fait qu’espérer depuis la maladroite exécution.
Il su que j’étais là, qu’encore j’existais. Mais la folie excusa l’acte. Mon réveil était imminent mais je voulu entendre sa voix. Son rire de dément précéda quelques paroles tragiques. « Parce que tout le monde voulu que pour moi, tu péris ; et parce que moi seul saura jamais que de périr, tu ne le fis que pour Elle. Tu sauvas ma vie parce que tu m’aimais, mais tu perdis la tienne parce d’Amour, tu n’en avais que pour une Ombre que tu préféras voir te haïr plutôt que haïr de ne plus la voir. »
Je le quittai par affliction et revint à mes attributions d’âmes défuntes. Et rien ne se passa. Encore une fois. Une fois encore. Rien. Sinon que dans un sommeil qui ne fut que sien, je pus lire en mon Autre l’étrange douleur du supplice que je venais de lui infliger. Ma punition n’était que trop évidente. J’en fus déchiré, atrocement entaillé. Même mort, j’avais blessé mon Autre aux tréfonds de sa candeur.
J’en souffris.
Et je vins à me demander si ces mots de fiel en valurent le prix.
Et d’évidence, je ne pris pas même la peine de répondre…
Si l’on ne meurt pas d’un affrontement, soit-il exsangue de souffre ou impitoyablement sanguinaire, la tradition voulu que cela nous rendit plus fort. L’adage me charma. Puisque je m’étais déjà acquitté de ce devoir de mort, chaque bataille, gagnée ou douloureusement perdue, sera toujours bienveillante en son sein. Bien mal acquis m’en fut, car j’en oubliai que les Humains, fragiles et fougueux, n’auraient pas le même apaisement…
Mon ire maladive s’était dissolue en d’étranges pensées. Il me plut de croire et d’imaginer qu’il me fallait pardonner. Deux êtres, distants et uniques dans leur différence, parcouraient un sentier que j’avais fait mien sans rien en dessiner mis à part son avènement, le point crucial de son origine. Ma disparition. Chacun de leurs pas était successeur, natif et héritier du premier de ceux-là qui, pour le salut des âmes en déréliction, s’était posé en courageux inquisiteur d’une lutte acharnée. Pour l’une, celle de l’oubli ; pour l’un, celle de la vengeance.
Après tout, en quoi avais-je le droit de juger ? A la recherche de mon passé, j’en oubliai les tumultes de leur présent, cerclé de barbelés, rougeoyant de l’amertume d’un futur aux aurores ténébreuses. Pourquoi me faire juge de ceux-là de qui je ne sais rien d’autre que ces bribes de sensation, ces fracas de vide qui, de pleine essence, m’ont blessé de doute et d’envie. L’envie. Celle de savoir.
Dans les aubes aguerries d’un jardin lissé de mémoire, je me retrouvai, comme enchaîné, esclave d’une volonté qui ne fut pas mienne. A ma seule occupation, infinies secondes au centre de mes réflexions, je suis resté lié et de n’en plus voir le bout, j’ai cédé, à mon insu, à une ivresse inattendue. Je n’étais plus à ma place, ou plutôt, ne l’avais-je jamais tant été ? Mes tympans s’agitèrent d’un tintement humide ; mes yeux se remplirent de reflets scintillants ; mon être se tordit d’une douleur. La douleur d’une autre. La douleur d’une ombre.
Que m’arrivait-il ? Qui donc m’avait voulu ici autant que moi, à cet instant, j’aurais voulu revivre, ne serait-ce que d’insipides secondes ? Les sanglots qui me parvinrent achevèrent de m’éloigner de mon After-Life : fermement, je puis le jurer, je sentis ma poitrine se soulever d’une inspiration, une pénible bouffée d’air qui me brisa la gorge comme celle d’un nouveau né. Je sentis mon cœur se vider d’une palpitation, une seule. Et ma bouche s’ouvrit et je voulu hurler mais le rêve tenait à me remporter en ma demeure…mais…
Le bruit infime des gouttelettes s’amenuisa jusqu’à ne plus soupirer que d’un macabre silence. En mon corps figé de vie, je sentis le martèlement de l’inassouvi. Elle était là. Plus proche que jamais. Et jamais, de proximité, nous n’avions été ainsi. Je vis son ombre se refléter dans quelques miroirs humides. Je savais l’odeur de ses cheveux. Elle se battait. Nous nous battions. Car le rêve y tenait et ma demeure se complaignait de mon absence. Elle se battait, mais pas d’oubli. Elle se battait d’Amour. Et je le vis, je le sentis et je le sus. Elle se battait de m’Aimer encore ; elle se battait d’aimer encore. Et d’Amour, je puis m’inonder la mémoire…
Je n’ouvris pas les yeux. Et pourtant, je me pris à garder l’image rassurante de cet acte. Elle avait tourné la tête, une seconde, un instant. Et dans son regard, le destin soyeux et déchirés, l’esquisse inachevée qui portait l’écriture de ma courte existence. Dans son regard, un enchevêtrement d’inattendu. Le doute avait rompu ses promesses secrètes. Le savoir m’était interdit. Et l’interdit m’était glorieux et doux. Je me pris à imaginer que d’ici, tout rêve ne peut avoir lieu dans la réalité d’un autre. D’une autre. Et que de ce songe qu’ici, on ne fait pas, il me restait le plus beau des éclats. Celui-là qui me fit abandonner mon souffle, mon battement de cœur, mon cri étouffé.
Elle sa battait pour Aimer, elle se battait pour vivre. Alors je compris mon sors.
Je ne pouvais plus me battre pour vivre. Mais je venais, à l’instant, de me donner le droit de me battre pour, encore, Aimer.
En une seule vision, eut-elle été une seule phrase, un seul mot, je vis en moi s'étendre le frisson d'un sentiment à la fois excitant et voluptueux, puissant et incontrôlable, subtile et rude. La colère est une illusion parfaite. Un mélange divinement démoniaque entre la haine et la peine, onctuosité sirupeuse de l'impossible alliance. La colère est une illusion; mais à ce point éreintant d'affliction qu'il me fut impossible de m'en défaire.
Le doute me pris. Etais-je mort pour rien? La raison de mes silences était-elle une frivole folie? Aurais-je été de ceux qui aiment à s'en couper les veines et qui d'aimer outre mesure, finissent par se mortifier l'âme à en flétrir d'inconvenues? Le doute. Insidieux. Il attisait la colère avec tant d'insistance que j'en oubliais même sa nature perfide et fallacieuse. L'opprobre s'abattit sur mon souvenir.
Je me sentis l'envie d'user de mes compétences pour exprimer, d'une manière ou d'une autre, le Styx acide qui me pourrissait la non-existence. Rien. J'appris dès lors que la colère, invective, me condamnait à une pathétique neurasthénie. J'eus pitié de celui que je n'étais plus. Pitié de celui-là qui avait livré son cœur, tant à l'Amour qu'à
Qui sait, demain, les braises s'éteindront à la lueur de réponses nouvelles, d'un vide comblé, d'un regard offert, d'une parole étouffée. Qui sait? Mais l'heure ne m'abreuvait que du mépris de ces personnes qui, trop orgueilleuses de me voir ainsi, pour ELLES, me mourir, avaient choisi la voie de l'ignorance. Je n'étais plus qu'un pion modelé, savamment placé sur l'échiquier de leur égide égocentrique. Pour l'un, j'étais le but, le début et la fin, l'objet à venger, l'espoir de salut. Pour l'autre, j'étais l'haïssable, le perfide, le lâche qui s'encouru de ses promesses sous prétexte de sauver une vie. Pauvre, pauvre de lui.
L'agonie se prolongea en une pensée fatidique et déplorable. Ce soir, comme les autres avant, comme les suivants et ceux d'ensuite, ils fermeraient les yeux sans savoir, sans admettre. Aveugles et sourds à leurs propres oripeaux de mensonges, ils se laissaient porter par les nuits sans lune. Sans savoir, sans admettre.
Et pourtant…la colère ne mentait pas. Une brisure. Innocente.
Et de raison, je craignis en mon désarroi de douleur qu'ils s'en cachent et que de lâches, il n'en fut de plus sublimes.
Mon Autre fuyait. Il fuyait sa vie, il fuyait ma mort, il fuyait la haine d’une ombre, innommable. Il fuyait les écorchures d’une plume, les épanchements scripturaux qui, tout portait à le croire, se pavanaient en acte ultime de mes macabres intentions. Sa fuite ne prenait fin qu’au pied des murailles de ce désir incandescent : la vengeance. Mais au fond, les nuits étiolées de nos trop courts sommeils ne scandaient qu’un seul leitmotiv, celui de la trahison.
La trahison, bien que banale et dérisoire, aura su être sublimée au cours de cette Histoire que l’homme a faite sienne. En toute guerre, en toute paix, on a toujours trahi promptement, au nom de sépulcres combles, au nom de sinistres démons, au nom de rien. La trahison demeure cet acte anobli par les esprits enivrés de pouvoir, cette lame grossière et dépolie qui blesse, abîme et arrache bien plus qu’elle ne tranche. Tous les traîtres ont craché leur venin écoeuré sur le fléau…jusqu’au jour béni de leur allégeance au vice. Et pourtant ! J’y mettais peine et acharnement, force et déraison, mais au fond de mes abîmes noirâtres, rien ne ressemblait à ces élans acclamés d’impudeur. En quoi donc sentais-je ma peau marquée du sceau de la traîtrise infâme ?
Telle une vague soudaine et déferlante de candeur, j’entendis les balbutiements de l’ombre qui clamait l’impossible pardon. Suivant mon Autre au cœur de folies plus sombres encore que ses sinistres intentions, je vis dans ses yeux ce qui ne quittait plus les siens. Cette vision, instant figé dans une éternité qu’on eut voulu pourfendre, m’aurait sans aucun doute livré au trépas si, déjà, je n’avais été où je suis. Réunion tragique dans un instant précaire, j’admirais en témoin privilégié les écumes de passés qui infligeaient leurs acides souvenirs aux vivants, bien plus qu’aux morts.
Dans ses yeux à Lui et son corps crispé de détresse, je ne pouvais que lire la chute incessante dans le gouffre qui, à ce même instant, c’était présenté, béant, avec l’insigne déshonneur d’emporter sa vie, sa raison, ses effluves de mémoire et ses songes dorés. Dans ses yeux à Elle, dans ses paumes blessées, dans ses genoux griffés par les pierres acérées, entre ses lèvres rougies, je ne voyais que la colère, la violence d’une tempête chagrine, le regret naissant de l’inaccompli, de l’inassouvi, de l’inachevé. Et en toutes formes, toutes couleurs, toutes émotions, toutes secondes, je m’assourdissais de cris, de désespérances et de déconvenues : j’avais trahis l’Amour et l’Amitié.
Dans mes yeux clos, ma poitrine empourprée, mes membres raidis ; dans le blanc d’une lame transperçant mes entrailles, dans la scène désinvolte de mon dernier battement de cœur, je ne pu que comprendre la nécessité de mon acte. On m’offrait, enfin, le délice de ma suprême pulsation, soufferte par ces regards ; les regards de deux êtres que l’After-Life Effect, malgré l’omnipotence de son concept, n’avait pu bannir de ma mémoire emportée. Je me sentis étouffé d’une exaltation particulière, celle d’un savoir qui n’était dû qu’à moi.
Alors qu’en mes dernières onctions, je gravai définitivement l’inconnu terrassé, je compris en ce moment de sordide inconvenance que rien, jamais, n’aura été si proche de cette trahison-là que l’Amour et l’Amitié qui, uniques et forgées d’argent, n’auraient pas même dû porter ces substantifs usés. J’avais trahi. Non pas en mon nom, mais en celui d’un destin de mort que j’avais provoqué en duel, combattu et vaincu au seul prix ridicule de mon existence.
J’avais trahi la mort et Elle ne semblait pas, pour l’heure, prête à me le pardonner.
Ce regard fou, je n'aurai dû souffrir d'aucune éreintante conquête pour, finalement, m'en fondre de répit. Dans ces fonds éthériques, il demeure possible et d'une évidence particulière de ne plus s'attendre à rien. Conséquence d'une abusive désinvolture charnue de dilettante? Peu importe. L'on attend plus que le moment scintillant ou l'espoir se meut en réalité voluptueuse. Rien.
Je ne suis forcé d'aucune demeure, de nulle chaine sédentaire. Pourtant, le temps des airs a voulu que je me fasse locataire de cette vision posthume: celle du dernier lit des mes entrailles. Ainsi en soit-il. S'échapper, mortel, au bout des landes et des ravines terreuses n'avaient pas de sens commun pour ma condition: patience et longueur de temps n'étaient point offices de force et de rage. Tout viendrait à moi puisque, ici, il n'était pas fastueux de songer que tout était dû. Il arrivait à grandes enjambées, agonisant de l'air humide, glacé, qui imprégnait ses poumons d'un mal intempérant. Fuyard, à n'en point douter, il fit frémir les écarlates dépouilles végétales des peupliers, et jusqu'à moi ce frémissement s'imposât. Et de s'imposer, m'en ôta ma prison de silence.
Le temps ne s'était pas écoulé depuis mes premiers instincts pressentis: il m'avait cherché, sans peine aucune avait pourfendu ses liens et d'un courage assommant, n'avait eu de vie que pour, ici, poser à terre le genou. Ces pas d'éther, je les avais nourris de mes visions chaotiques. L'Autre me toisait. Non pas ma dépouille, mon tombeau, mes lettres anoblies d'un seul trait doré. Non. Moi. De son regard affolé, de sa non-vie de blasphème, il admirait, sans le savoir, l'After-Life Effect s'incarnant en ma modeste disparition.
La logorrhée qui surgit alors de sa gorge brûlée me rappela ces litanies sans consonne ni voyelle que les pénitents des quatre vents perdaient au gré des pluies. Chapelets de murmures incessant, l'Autre priait un dieu dont il ne savait rien d'autre que son brutal et décimant acharnement. Si tous les fous ne sont pas pieux, s'avèrerait-il que tous les pieux soient porteurs de folie? Attentif à son chant religieux, autant qu'à son visage laminé de honte et de douleur, j'exécrais de plus belle les dérivées latines de ces proses funambulesques dont le sens, à défaut d'absoudre péchés et transgressions, amenuisait les traces, indélébiles cependant, d'une déchirante culpabilité.
J'étais mort pour quelqu'un. Pour lui. Pour mon Autre. Dans son phrasé ininterrompu, je décelais cet amour dépendant et dévoué qui, s'il n'eut été celui-là, m'aurait gonflé d'un orgueil affable. Il parlait de secret, de vœux accompli, de prophétie et d'exubérances christiques. Il embrassait, frénétiquement, un crucifix de bois en encolure. La haine qui resurgit alors fut grandiloquente. Je crachais, littéralement, sur ces traditions fanées, poison d'une morale qui, par défaut d'introspection et de rigueur, se dessinait dans la peur de l'accompli, la frayeur des peines capitales, l'effroi des flammes d'un Enfer qui se trouvât plus insipide que jamais.
Puis soudain, son cœur s'arrêta. La fraction de seconde ne pouvait s'apprécier qu'en mon royaume et je me pris à la savourer. En cet écrin battant, j'entendis ces mots hurlés par-delà la raison. Des mots qui le rendait coupable, qui le rendait vengeur et l'emplissait d'une mission céleste: s'acquitter de mon présent de mort par celui d'une autre. Il n'était ni pieux, ni fou. Seulement cerclé des barbelés d'une étrange dévotion. Mon silence rompu - à jamais, m'en fit-il croire!- je pu déceler ces émérites paroles:
Elle est donc déjà venue. Elle a dû pleurer tes larmes sur ce lys. Tel est son châtiment pour t'avoir aimé autant qu'haï. Elle se meurtri de questions. Et moi, jusqu'à mon acte accompli, j'en tairai les réponses puisque, comme tu l'as dis, il le faut, et que c'est ainsi.
Et puisqu'il le fallut, c'est ainsi que ce fut…
Dans mon nulle part intransigeant de fadeur, je guettais celle que vous appelez folie. Pénitente amie, elle transpirait les parfums des échafauds, comme une délivrance atroce et cruelle: celle que l'on respire sans jamais pouvoir y goûter. Et combien voudrais-je être de ceux-là, habiles ou désespérés, qui délirent de bonne fortune, aux aubes claires, aux nuits frigides, aux heures maladives. Et combien! L'allégeance à la folie ne me paraît envisageable qu'en ces moments figés d'After-Life: ceux qui éteignent à jamais l'espérance de s'en voir épris.
Comment l'Homme, vivant, pourrait-il admettre de plein cœur les bienfaits de cette solitude-ci? De quels abois pourrais-je hurler la bagatelle de ce sentiment? Les lois de l'Absolu ont voulu qu'ici, on soit seul. Communément admise, la réalité paraît dérisoire. Dérisoire face à mes questionnements qui, fourbes d'une arrogance avérée, s'indignent devant mon apathie. Je suis seul, et cela ne me soucie guère. Mais soyons réalistes au moins autant que dérisoires: de quoi, encore, pourrais-je me soucier sinon de ce passé déconstitué qui me hante plus que de raison?
J'ai passé de longues heures à respirer les airs désuets qui se perdaient sur mon tombeau. La solitude ne pèse en rien sur l'espoir. Brave de mon acte accompli, impuni, interdit, j'attendais à présent bien plus qu'un châtiment: une récompense. Celle de voir celui qui, de ma mort, avait pu tirer l'élixir de vie. Aux longues heures arrêtées, j'aurais pu parcourir monts et marais à la recherche de cette lueur, de ces iris magistraux. Mais la providence m'a rattrapé. J'ai laissé les rênes à la destinée, fut-elle maligne ou divine, en remettant les dernières cartes de mon jeu à un plus tard que je voulu indéfini. Et ainsi fût-il accompli que, accompagné d'espoir, il m'était interdit de prétendre, une fois encore, que je me retrouvais seul. M'aurait-on, dès lors, menti?
Si l'on est seul en son âme, il n'en reste pas moins les pensées. Exsangues, les chairs des souvenirs, la doucereuse et bénie nostalgie. Mais les pensées d'un maître présent battent en ma mort d'un profond désarroi. La pâle candeur de l'ombre, aimante, haineuse, me rassérénait la douleur d'une solitude qui n'était pas mienne. L'éphémère lucidité en ses flots sinistres m'avait frappé d'un éclat incertain. Celui d'un devoir. En son nom émérite: la culpabilité, vile et inutile. Du moins, c'est ce qu'en définissaient mes principes gravés de cire et de souffre. Observant le lys dépérir, je vis en cette allégorie une immuable réalité: ce lys se mourrait sur ma défunte nature. Mon trépas n'était pas que sourde inéluctabilité. Il était bruyant accablement. Preuve en fut que de ce pouvoir que l'on m'avait abandonné, je décidai que sur la pierre de mon dernier hommage, il tomberait les larmes que je ne pouvais plus verser. Et sans appel, je décidai que ces larmes seraient belles. Ainsi en fut-il de cette pluie. Je le su et ne le compris jamais.
J'étais mort pour quelqu'un, pourtant abjecte et mesquin, et tout semblait converger vers l'auguste certitude que j'étais mort par quelqu'un. Un état de fait qui, rappelons-le, m'avait été livré par une seconde, seulement, d'odieuse impertinence. Mais l'autre révélation m'était tout aussi insupportable: si l'ombre me portait cette haine épurée, distillée d'un amour inqualifiable, n'eût-il pas été raisonnable de me dire que sous cette fleur de lys décharnée, un cœur qui ne pouvait-être que mien s'agitait encore d'un sentiment innommable? Et n'eut-il pas été sensé, encore, de penser que celui-là, peut-être, me tenait en âme et conscience dans l'inconnu qui porte ces mots? Mes mots.
Alors que j'allais me décider, chevalier des aubaines, à m'épancher sur les traces de l'ombre, je ne sus que par instinct que le regard qui, lui aussi m'abreuvait d'inassouvi, s'approchait à pas éthériques de ma modeste désincarnation.
L'After-Life Effect, c'est l'illusion de la solitude, l'espoir de l'isolement…mais la déconvenue limpide d'un éternel tourment: celui de devoir souffrir la solitude d'autrui au point d'en haïr son propre exil…
Je n'ai jamais été aussi épicurien que dans l'After-Life Effect. D'ailleurs, l'épicurisme dans sa plus pure définition ne saurait s'apprécier du vivant: pour cueillir le jour et en connaître la profonde signification, l'on se doit d'être mort. Logique implacable. Ceci dit, en s'opposant formellement au concept d'éphémérité, néologisme approprié, l'Homme en oublie la délicate et vacillante nature de sa courte vie: celle du temps impartis, lourd et secret, à consommer avec la modération des dieux…à savoir, aucune.
Je laissai l'ombre s'envelopper du satin de nuit. Je ne cherchais plus qu'un regard. Blessant. Profond. Juste un regard...qui comme tout le reste…ne pouvait être qu'éphémère…
Les lois suprêmes de l'univers siègent dans une inconscience que, par définition, l'on ne connaît que trop peu. Ces lois ferrées comme un sabot au creux de l'âme sont irrémédiablement scellées à ma condition de non-vivant. L'After Life Effect est un équilibre sadique entre pouvoir et accablement, où l'éternité est seule juge de la frustration indomptée. Ici, tout est possible et rien n'est permis. C'est ainsi qu'il était consigné que je n'avais aucun droit…
Et pourtant…
Le lys posé sur mon tombeau n'avait pas la douceur d'une larme versée mais la puissance d'une lame reluisante qui aurait pénétré les chairs pécheresses, inculpant la punition la plus cruelle: celle de la culpabilité. Lorsque la forme agenouillée avait craché lamentablement sur mon tombeau, j'avais ressenti la colère enfouie sous la dalle avec mon corps flétri. Les déroutes de l'intimité étaient miennes: pénétrant en son sein, je laissai le corps répugné de cette figure fantomatique me montrer mon propre chemin. Une seconde, une seule, interdite mais de délivrance, allait déterminer la nature de cette molle blancheur de lys…
Je le pris…
Je le pris, ce droit de violer une âme anonyme au prix de je ne savais quel châtiment. Au prix de la vérité. Au prix de cette vérité: la haine. On me haïssait d'une noble manière. Pas de ressenti ou d'accusation frauduleuse, pas de vengeance insensée ou de périple salutaire, ni même l'affront d'avoir laissé, délaissé ou abandonné. Non, on me haïssait pour la plus juste des causes: parce que j'étais mauvais et que, au fond, cela ne m'avait jamais dérangé.
Mis aux abymes, je découvrais, en brisant les règles, que j'étais mort et haïssable, qui plus est, à juste titre. C'est alors que les reliquats d'une culture morte me revinrent à l'esprit et me permirent de transpirer des images séculaires. Le fait d'être mauvais ne me dérangeait nullement…mais pourquoi, dès lors, n'étais-je pas en Enfer? Et si l'Enfer, c'était ça? Bredouiller de quelque passé inconsidéré, forcer le chemin d'un pouvoir immensurable auquel l'Absolu contraignait de ne point recourir. Si c'était l'Enfer, l'augure était adapté à mon silence et me convenait d'autant.
Etre mauvais n'était qu'une condition comme une autre. Certains se targuent de la gentillesse la plus mirifique, d'autres d'une éreintante curiosité, d'autres, encore, d'une empathie sans borne. Moi, aux côtés de tous ces êtres adjectivés, j'étais celui qui, à défaut de s'en vanter, s'assumait peu vertueux, immoral et dépourvu de conscience. Je pouvais même m'assurer du vide de culpabilité dans ma poitrine battante du souvenir. En tant que dignitaire de possession maligne, je n'avais de scrupules que ceux de l'inachevé. L'inachevé dans le pouvoir offert et encerclé d'épines.
J'attendis la punition.
Elle ne vint jamais.
Mort et haïssable
Libre de pouvoir.
Une bien dangereuse combinaison contre laquelle l'Absolu n'avait, de fait, rien pu faire.
L'ombre s'enfonça dans les allées du cimetière. Je la suivi sans peine. Pour savoir. Juste savoir.
Et vint le moment où…
Je sus.
Je n'avais aucun droit.
Et pourtant…
Je le pris…
Un secret.
Un silence.