mercredi, octobre 4

Combat

Si l’on ne meurt pas d’un affrontement, soit-il exsangue de souffre ou impitoyablement sanguinaire, la tradition voulu que cela nous rendit plus fort. L’adage me charma. Puisque je m’étais déjà acquitté de ce devoir de mort, chaque bataille, gagnée ou douloureusement perdue, sera toujours bienveillante en son sein. Bien mal acquis m’en fut, car j’en oubliai que les Humains, fragiles et fougueux, n’auraient pas le même apaisement…

Mon ire maladive s’était dissolue en d’étranges pensées. Il me plut de croire et d’imaginer qu’il me fallait pardonner. Deux êtres, distants et uniques dans leur différence, parcouraient un sentier que j’avais fait mien sans rien en dessiner mis à part son avènement, le point crucial de son origine. Ma disparition. Chacun de leurs pas était successeur, natif et héritier du premier de ceux-là qui, pour le salut des âmes en déréliction, s’était posé en courageux inquisiteur d’une lutte acharnée. Pour l’une, celle de l’oubli ; pour l’un, celle de la vengeance.

Après tout, en quoi avais-je le droit de juger ? A la recherche de mon passé, j’en oubliai les tumultes de leur présent, cerclé de barbelés, rougeoyant de l’amertume d’un futur aux aurores ténébreuses. Pourquoi me faire juge de ceux-là de qui je ne sais rien d’autre que ces bribes de sensation, ces fracas de vide qui, de pleine essence, m’ont blessé de doute et d’envie. L’envie. Celle de savoir.

Dans les aubes aguerries d’un jardin lissé de mémoire, je me retrouvai, comme enchaîné, esclave d’une volonté qui ne fut pas mienne. A ma seule occupation, infinies secondes au centre de mes réflexions, je suis resté lié et de n’en plus voir le bout, j’ai cédé, à mon insu, à une ivresse inattendue. Je n’étais plus à ma place, ou plutôt, ne l’avais-je jamais tant été ? Mes tympans s’agitèrent d’un tintement humide ; mes yeux se remplirent de reflets scintillants ; mon être se tordit d’une douleur. La douleur d’une autre. La douleur d’une ombre.

Que m’arrivait-il ? Qui donc m’avait voulu ici autant que moi, à cet instant, j’aurais voulu revivre, ne serait-ce que d’insipides secondes ? Les sanglots qui me parvinrent achevèrent de m’éloigner de mon After-Life : fermement, je puis le jurer, je sentis ma poitrine se soulever d’une inspiration, une pénible bouffée d’air qui me brisa la gorge comme celle d’un nouveau né. Je sentis mon cœur se vider d’une palpitation, une seule. Et ma bouche s’ouvrit et je voulu hurler mais le rêve tenait à me remporter en ma demeure…mais…

Le bruit infime des gouttelettes s’amenuisa jusqu’à ne plus soupirer que d’un macabre silence. En mon corps figé de vie, je sentis le martèlement de l’inassouvi. Elle était là. Plus proche que jamais. Et jamais, de proximité, nous n’avions été ainsi. Je vis son ombre se refléter dans quelques miroirs humides. Je savais l’odeur de ses cheveux. Elle se battait. Nous nous battions. Car le rêve y tenait et ma demeure se complaignait de mon absence. Elle se battait, mais pas d’oubli. Elle se battait d’Amour. Et je le vis, je le sentis et je le sus. Elle se battait de m’Aimer encore ; elle se battait d’aimer encore. Et d’Amour, je puis m’inonder la mémoire…

Je n’ouvris pas les yeux. Et pourtant, je me pris à garder l’image rassurante de cet acte. Elle avait tourné la tête, une seconde, un instant. Et dans son regard, le destin soyeux et déchirés, l’esquisse inachevée qui portait l’écriture de ma courte existence. Dans son regard, un enchevêtrement d’inattendu. Le doute avait rompu ses promesses secrètes. Le savoir m’était interdit. Et l’interdit m’était glorieux et doux. Je me pris à imaginer que d’ici, tout rêve ne peut avoir lieu dans la réalité d’un autre. D’une autre. Et que de ce songe qu’ici, on ne fait pas, il me restait le plus beau des éclats. Celui-là qui me fit abandonner mon souffle, mon battement de cœur, mon cri étouffé.

Elle sa battait pour Aimer, elle se battait pour vivre. Alors je compris mon sors.

Je ne pouvais plus me battre pour vivre. Mais je venais, à l’instant, de me donner le droit de me battre pour, encore, Aimer.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

...

Un silence.

Cela suffira.

Merci.

octobre 08, 2006 5:04 PM  

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