Miserabilis
Les lois suprêmes de l'univers siègent dans une inconscience que, par définition, l'on ne connaît que trop peu. Ces lois ferrées comme un sabot au creux de l'âme sont irrémédiablement scellées à ma condition de non-vivant. L'After Life Effect est un équilibre sadique entre pouvoir et accablement, où l'éternité est seule juge de la frustration indomptée. Ici, tout est possible et rien n'est permis. C'est ainsi qu'il était consigné que je n'avais aucun droit…
Et pourtant…
Le lys posé sur mon tombeau n'avait pas la douceur d'une larme versée mais la puissance d'une lame reluisante qui aurait pénétré les chairs pécheresses, inculpant la punition la plus cruelle: celle de la culpabilité. Lorsque la forme agenouillée avait craché lamentablement sur mon tombeau, j'avais ressenti la colère enfouie sous la dalle avec mon corps flétri. Les déroutes de l'intimité étaient miennes: pénétrant en son sein, je laissai le corps répugné de cette figure fantomatique me montrer mon propre chemin. Une seconde, une seule, interdite mais de délivrance, allait déterminer la nature de cette molle blancheur de lys…
Je le pris…
Je le pris, ce droit de violer une âme anonyme au prix de je ne savais quel châtiment. Au prix de la vérité. Au prix de cette vérité: la haine. On me haïssait d'une noble manière. Pas de ressenti ou d'accusation frauduleuse, pas de vengeance insensée ou de périple salutaire, ni même l'affront d'avoir laissé, délaissé ou abandonné. Non, on me haïssait pour la plus juste des causes: parce que j'étais mauvais et que, au fond, cela ne m'avait jamais dérangé.
Mis aux abymes, je découvrais, en brisant les règles, que j'étais mort et haïssable, qui plus est, à juste titre. C'est alors que les reliquats d'une culture morte me revinrent à l'esprit et me permirent de transpirer des images séculaires. Le fait d'être mauvais ne me dérangeait nullement…mais pourquoi, dès lors, n'étais-je pas en Enfer? Et si l'Enfer, c'était ça? Bredouiller de quelque passé inconsidéré, forcer le chemin d'un pouvoir immensurable auquel l'Absolu contraignait de ne point recourir. Si c'était l'Enfer, l'augure était adapté à mon silence et me convenait d'autant.
Etre mauvais n'était qu'une condition comme une autre. Certains se targuent de la gentillesse la plus mirifique, d'autres d'une éreintante curiosité, d'autres, encore, d'une empathie sans borne. Moi, aux côtés de tous ces êtres adjectivés, j'étais celui qui, à défaut de s'en vanter, s'assumait peu vertueux, immoral et dépourvu de conscience. Je pouvais même m'assurer du vide de culpabilité dans ma poitrine battante du souvenir. En tant que dignitaire de possession maligne, je n'avais de scrupules que ceux de l'inachevé. L'inachevé dans le pouvoir offert et encerclé d'épines.
J'attendis la punition.
Elle ne vint jamais.
Mort et haïssable
Libre de pouvoir.
Une bien dangereuse combinaison contre laquelle l'Absolu n'avait, de fait, rien pu faire.
L'ombre s'enfonça dans les allées du cimetière. Je la suivi sans peine. Pour savoir. Juste savoir.
Et vint le moment où…
Je sus.
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