Etre mort n'eut pas été si dramatique si j'avais pu, en tout état de non-cause, connaître les conséquences de ma fin. Rien de pire que l'amnésie, l'ignorance, l'inconnu. Plus encore que l'inconnu de l'avenir, celui du passé est d'un tragique exemplaire. Et bien que je n'eus dû accorder que bien peu d'importance à qui j'étais (puisque je ne suis plus), je continuai d'affoler un mental désœuvré de ne pas savoir pourquoi.
J'ai cherché mon tombeau. Une pierre reluisante, un caveau imposant, deux planches de bois cloutées et gravées au ciselet…j'ai cherché. Au fond, je savais pertinemment que de trouver mon tombeau ne serait que d'une utilité toute relative…mais ce qui m'agréait dans cette innocente recherche, c'était les rencontres du hasard. Infâme? Peut-être…mais ces larmes versées sur les pierres gravées me passionnaient pourtant. Ces pleurs qui font l'apologie du non-dit, du secret emporté. Ces plaintes amères sont de véritables hymnes à l'inavoué: pourquoi, pourquoi, pourquoi…les entend-on sans cesse scander dans les vents écumants cimetières et terres arides de vie…
Bien plus que les morts eux-mêmes, ce sont les vivants qui cherchent à connaître ces évènements macabres, la vérité d'une fin inattendue…ou au contraire, trop attendue. Le poing rageur, je les ai écouté s'en prendre à la destinée, faucheuse sans relâche, qui refuse de leur délivrer son dessein accompli dans les formes et le fond, dans la sincérité qu'elle semble leur devoir. En réalité, la destinée ne doit rien à personne, moins encore au soupirant qu'à ceux qu'elle a fait trépasser. Elle le sait. Elle en joue Nous aussi.
Quand j'ai posé mon regard sur ce granit, j'ai découvert que ma manœuvre était d'une utilité plus encore que relative. Mon prénom y était gravé en lettres dorées imposantes. Pas de date, de nom de famille…seule une petite phrase accentuant d'autant plus ma curiosité post-mortem: "Le secret, avec lui, emporté". L'affirmation était brève et concise. Les fleurs encore colorées n'avait dû être déposées que quelques jours auparavant; la terre battue sur les bords de la cavité repue attestait d'un enterrement tout récent.
J'étais mort et avec moi, j'avais emporté un secret. Et peut-être était-ce là la raison de mon trépas: faire disparaître, avec moi, un secret dont je ne savais encore rien. Alors que mes espoirs de connaître mon histoire s'amenuisaient, un être sans visage s'approcha de ma pierre, déposa un lys au pied du granit et s'agenouilla, pensif.
Je n'avais aucun droit.
Et pourtant…
Je le pris…
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