Elégies
Quelle douloureuse amertume que celle du réveil dans l’inachevé. Si les Hommes apprennent assez tôt l’art du songe, l’inexistence spectrale que je suis l’aura bien rapidement déniée.
Si cette ivresse de rêverie reflète, à ses heures, le soulagement de cauchemardesques aventures, mon euphorie impitoyablement écimée me fâchait de désir. Puisque les interdits ne m’effrayaient que peu, la volonté de ressentir à nouveau cette tumulte résonnait en moi comme un chant tendre et triste, forgeant chacune des larmes que je ne pouvais verser ; éclatant chacune de celles qui se mourraient pour moi. Je ne le savais pas encore mais au creux de ce feu naissant, régnait l’inconsciente envie de frôler de nouveau cette aubaine que l’on appelle
Et comme si l’aquilon, déterminé, eut voulu balayer les éclats d’humeur noire, mes visions furent emportées vers un brasier naissant, en quelques ruines embrumées dont j’étais persuadé d’avoir su le nom. L’Autre y délestait un souffle, une exsangue complainte mêlée de peur et de folie, soupirant l’exténuation d’une fuite infrangible. Ses lèvres remuaient dans le silence d’un crépuscule flamboyant, imitant la céleste oraison des flammèches attisées. La scène me sembla belle. Juste belle. Aphasie solitaire. Pourpre déception. Et je compris…
Je compris à cet instant que la liberté que l’on prétendait me concéder n’était qu’un mirage ludique. Au bout du voyage, l’allégeance à l’infinie sagesse d’un Nirvana insipide, un état de conscience qui se suffirait à lui-même, animé d’une existence imprenable, indescriptible...Que diable ! On me baladait de doutes et d’interrogations, de latitudes inexplorées, de souvenirs morcelés. Et qu’en était ce dessein ? M’amener à l’ennui des vagues, des vagues à l’âme, des âmes englouties, des mémoires brisées.
Bien loin de me faire dévot d’un dogme aussi singulier, je décidai, une fois encore, d’agir en état de conséquences. J’étais face à cet Autre, à ce paysage qui s’endormait sur des collines émeraudes, à ces pierres écorchées par le temps. J’étais face à de nouveaux doutes. Et pour seule raison, me conférer l’oubli d’un grotesque accident que je venais de vivre. Insupporté par cette idée que l’After-Life Effect, en son imprenable absolu, voulait me défaire de mes restes de vie, je franchis la frontière que l’on m’ordonna de craindre. Le battement qui, plus tôt, s’était épris de feu mon cœur, finit sa course impétueuse dans l’esprit de l’Autre ; celui-là qui entendit ma voix lui demander pourquoi ; celui-là qui compris à l’instant que sa vengeance me serait rapportée ; celui-là qui ferma les yeux sur une douceur qu’il n’avait fait qu’espérer depuis la maladroite exécution.
Il su que j’étais là, qu’encore j’existais. Mais la folie excusa l’acte. Mon réveil était imminent mais je voulu entendre sa voix. Son rire de dément précéda quelques paroles tragiques. « Parce que tout le monde voulu que pour moi, tu péris ; et parce que moi seul saura jamais que de périr, tu ne le fis que pour Elle. Tu sauvas ma vie parce que tu m’aimais, mais tu perdis la tienne parce d’Amour, tu n’en avais que pour une Ombre que tu préféras voir te haïr plutôt que haïr de ne plus la voir. »
Je le quittai par affliction et revint à mes attributions d’âmes défuntes. Et rien ne se passa. Encore une fois. Une fois encore. Rien. Sinon que dans un sommeil qui ne fut que sien, je pus lire en mon Autre l’étrange douleur du supplice que je venais de lui infliger. Ma punition n’était que trop évidente. J’en fus déchiré, atrocement entaillé. Même mort, j’avais blessé mon Autre aux tréfonds de sa candeur.
J’en souffris.
Et je vins à me demander si ces mots de fiel en valurent le prix.
Et d’évidence, je ne pris pas même la peine de répondre…
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